J'ai!

Ce jour est venu. Ce jour tant attendu depuis deux ans, oserais-je même dire, depuis toujours.

J'ai tout quitté pour m'installer dans cette ville inconnue, je suis arrivée dans le monde du travail comme un cheveu sur la soupe, j'ai fait une ou à deux fois par mois l'aller-retour Agen-Paris pendant deux ans, j'ai traversé beaucoup d'épreuves et les aies surmontées, j'ai même trouvé un amoureux.

ET J'AI MON DIPLÔME. J'ai mon Brevet Professionnel de Libraire. Je suis Bac+2. Je suis fière de moi.

Je dis "depuis toujours" parce que j'ai tellement cherché ce que je voulais devenir sans trouver avant ces deux années, je ne réussissais jamais rien, et voilà, cette fois j'ai réussi.

Alors maintenant, évidemment, j'ai peur. Mon contrat se termine, je ne trouve pas de poste et je ne sais pas où je serai dans deux mois. Je me retrouve face au vide, mais j'ai toujours l'espoir, il ne me laisse jamais tomber, et je le lui rend bien. J'aime ce métier, ça j'en suis certaine et je ne veux pas que mon expérience s'arrête ici.

... A bon entendeur, enchantée, je suis prête à travailler chez vous!

Mais passons à ce qui nous concerne, si vous le permettez. J'ai lu récemment beaucoup de livres, et je n'ai malheureusement pas eu le temps d'en parler ici. Aujourd'hui je n'en présenterai qu'une partie.

Les Adieux à la reine, de Chantal Thomas, sorti chez Points, et adapté récemment au cinéma.

Le roman ne débute pas à Versailles, mais à Vienne en 1810, chez Agathe. Napoléon a fait son entrée dans la ville, et tout n'est que décadence... Le prénom de Marie-Antoinette ne doit pas être prononcé, pourtant certains nostalgiques de la cours de Versailles donneraient tout pour le prononcer ne serait-ce qu'une dernière fois.

15 juillet 1789, Agathe-Sidonie est une des lectrices de la reine. Elle a grandi entre les murs du palais. Elle aime sa reine, la vénère, l'adule. Elle n'imagine pas son bonheur ailleurs qu'auprès d'Elle et de la Cour. Alors, lorsque les rumeurs de la fin proche de Versailles arrivent à ses oreilles, elle se refuse à le croire. Agathe nous raconte comment tout a basculé en si peu de temps: comme la Panique a pris possession des lieux et des esprits, comme elle a joué aux marionnettes avec toutes ces âmes enfermées dans les dorures et la profusion et les a rendues vulnérables.

Elle nous donne à voir surtout cette reine, détestée du peuple et tant aimée par elle. Son courage, sa beauté, son intelligence et sa dignité.

C'est étrange de voir cette période dans les yeux d'une personne non révolutionnaire, d'une personne étrangère à toute forme de misère. Elle critique volontiers certains de ses nobles voisins, et ne remet pas en cause l'hypocrisie ambiante. Mais elle reste persuadée que tout allait bien et que le Roi a toujours tout fait comme il fallait. Et voilà que tous laissent tomber la famille royale, le sacrifice leur étant inconnu.

Chantal Thomas nous prouve une fois de plus toute l'étendue de son talent pour narrer les vraies histoires, et pour dépeindre les sentiments.

J'ai découvert, il y a deux mois maintenant, une auteure japonaise répondant au doux nom de Yoko Ogawa. Je suis honteuse de ne pas l'avoir connue plus tôt, je sais à présent qu'elle fait partie intégrante du paysage de la littérature contemporaine japonaise. Je n'ai lu pour l'instant que deux de ses romans, et j'ai retenu L'annulaire, paru chez actes sud Babel en 2005.

Son écriture est magnifique, ce roman se lit comme un long poème, à la frontière du fantastique, où les maîtres-mots sont étrangeté, volupté, douleur, mélancolie, fascination. Mr Deshimaru est un taxidermiste d'un genre un peu spécial: il conserve les souvenirs. Mélodie, ossements d'oiseaux, brûlure, tout dans son laboratoire, situé dans une ancienne pension pour filles, peut devenir "spécimen".

Sa jeune assistante de 21 ans travaille depuis peu pour lui. Anciennement employée dans une usine de fabrication de limonade, elle s'y est blessée et y a perdu une partie de son annulaire. Ce détail attire particulièrement l'attention de son employeur, et un lien inévitable se forme entre elle et lui.

Elle tombe sous le charme de cet étrange homme, il la fascine et la soumet à sa volonté, beaucoup plus qu'elle ne semble le reconnaître.

Ce roman est écrit comme une spirale. Tout se referme, inéluctablement, dans un lent tourbillon. Tout se fige, comme ces souvenirs dans du formol.

Je manque de temps ce soir pour finir cet article, mais je reviens très vite. Merci de l'intérêt que vous portez à ces articles sans prétentions. Bonne soirée à tous!