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La liseuse de bonne aventure
4 mars 2014

Je donne la fièvre au vieux singe en cage.

Je veux un chalet en forêt. Pas de voiture, pas de train, pas de lignes aériennes. Peu, si peu de passage. Je veux y faire des herbiers, tricoter, faire des confitures. Jardiner, me promener, voir des animaux, que des animaux. Devenir une vieille folle seule qui erre dans les bois.

J'aime le silence, le calme, les habitudes, la routine. Je n'aime pas les éclats de voix, les éclats de rire quand je n'y suis pas conviée, les bruits de fonds. Je suis une vieille conne, déjà.

Et pourtant, de temps à autre, j'ai des passages. Je manque de chaos. Je manque de tempête et de foudre. Je manque d'amour fou. Je veux courir jusqu'à pleurer de douleur, je veux me griffer, me frapper, danser, me secouer et rire très très fort. Je suis une vieille folle, c'est fait.

C'est sans doute en partie pour tout ça que j'ai aimé ce livre. Au début je me disais que c'était histoire de lire, pour une fois, un livre léger facile à conseiller. Vu ce qu'elle avait écrit avant, j'avais pas peur de me tromper. Et je me suis trompée. Et j'ai adoré. Comment un auteur peut-il vous faire aimer la botanique et son histoire en un rien de temps? Comme ça. Depuis je vais à la bibliothèque consulter des livres de botaniques et j'essaye d'apprendre les noms latins.

L'histoire est avant tout celle d'Alma, fille donc d'éminents scientifiques, entre autres qualifications. Une mère hollandaise, qui lui apprend la rigueur et la discipline, un père, malin comme c'est pas permis, qui s'est forgé tout seul et est devenu le plus riche de tous les botanistes. Alma est d'une curiosité maladive et d'une intelligence remarquable. Elle côtoie tous les scientifiques de l'époque et les épate par sa conversation et son entrain. Une nuit, une soeur adoptive apparaît. Baptisée Prudence, elle est d'une beauté rare et froide, intelligente et réactive, pas autant que sa soeur, mais bien plus que moi. Alma se rend alors compte de quelque chose. Elle est laide. Elle sera toujours la moche, et sa soeur la belle.

Ce qui vous tient en haleine c'est de savoir si un jour Prudence et Alma s'aimeront vraiment comme des soeurs et comment elles se le montreront. C'est de savoir comment le père a construit son empire. C'est de savoir si Alma va rencontrer quelqu'un qui l'aimera. Si elle fera l'amour pour de vrai. C'est l'évolution des deux jeunes filles dans cette époque post-esclavagiste, à la porte de si grandes découvertes et théories (notamment celle d'un certain Darwin). C'est de savoir si le travail sur les mousses d'Alma sera reconnu à sa juste valeur. C'est de vivre avec elle son voyage à Tahiti et ailleurs.

Ce n'est pas un roman sentimental. Ce n'est pas léger. C'est un sujet épineux traité avec intelligence, romantisme et rigueur. La vie d'une femme qui a à la fois tout pour être malheureuse et tout pour être heureuse, sans cesse en équilibre. Qui quand tout bascule porte le monde sur son dos.

Ça remet les idées en place et ça fait voyager dans le temps.

Ça sent bon les fleurs, la mousse et la vanille.

Et vous refermez le livre, avec la sensation agréable du travail bien fait. Comme si vous aviez accompli, comme il se doit, du début à la fin, un travail fastidieux, complexe, mais qui vise à combler un peu de ce vide incompréhensible qui vous torture du soir au matin. Enfin j'imagine qu'on a tous un peu de vide à combler. Et bien, il aide bien celui-là.

9782702153543-T

 

 

 

 

 

Je n'ai toujours pas lu Mange, prie, aime, et je ne le lirai sans doute jamais. Je m'en fiche, pour une fois, que ce soit une auteur de best-sellers. Ce livre est magnifique.

 

 

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Commentaires
S
et comme toujours tu trouves les mots qui donnent envie de lire... Merci! bises bretonnes.
U
Rêver les mots de soi, de moi<br /> <br /> Au dessus de ça en nage<br /> <br /> (Je frise les fous...)<br /> <br /> C'est beau et zarbi, Mina Tindle.
La liseuse de bonne aventure
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